Statue de Ste Jeanne d'Arc par Boris Lejeune
Statue de Ste Jeanne d'Arc par Boris Lejeune

La Mission de Ste Jeanne

SAINTE JEANNE

MESSAGÈRE DE LA POLITIQUE
DIVINE

LA prédominance du Sacre Royal dans les pensées de Jeanne d'Arc est un fait trop remarquable pour qu'il ne faille pas y chercher un sens. Mais l'interprétation qu'on en donne est souvent fuyante, ou délibérément s'arrête court.

Pour nous, le Sacre toujours présent à la pensée de Jeanne nous révèle l'objet véritable, ou, plus exactement, l'objet adéquat de sa mis­sion, qui fut de rappeler au monde, entre les feux croisés de l'Angleterre et de la France, qu'il y a une Politique Surnaturelle de Dieu, réellement agissante, dominant la politique des pouvoirs terrestres, — et un Droit Chrétien qui applique

et maintient la loi essentielle de cette Politique, à savoir le salut des peuples par l'Eglise du Christ.

Pour appuyer cette manifestation de la Royauté éternelle de Dieu et de Jésus-Christ son Fils, il ne fallait pas moins que le relèvement mira­culeux de la plus ancienne des nations chrétiennes. Pour rappeler le Droit Chrétien, qui sonne tou­jours un peu durement aux oreilles des Princes et même des Chefs de Républiques, on ne pou­vait attendre une messagère mieux faite pour être agréée, mais aussi, nous le verrons, mieux instruite de son message, ni plus précise et plus pressante que Jeanne d'Arc.

A ce point de vue, la gloire de Jeanne est incomparable. Si déjà par le caractère elle éclipse Judith et Esther, je dis que par cette vision du Sacre qui est au bout de son regard, elle approche de la grandeur de Moïse, premier promulgateur des Droits de Dieu et de l'Alliance Divine. Sa gloire de libératrice pâlirait auprès de sa gloire d'Ange de la Politique Divine, si on pouvait séparer l'une de l'autre.

Pour justifier ces préliminaires, il nous suffira de montrer, premièrement, que le Sacre Royal

est un hommage rendu à la Suzeraineté Divine et au Droit de l'Eglise ; — deuxièmement, que Jeanne d'Arc l'a bien entendu ainsi, et qu'en rendant le Sacre possible pour Charles VII, elle a continué l'histoire visible de la Politique surna­turelle de Dieu dans le monde.

I

Jésus est le Roi de tous les rois. Il en a reven­diqué la qualité réelle, plus encore que le titre, au milieu même de sa Passion, et devant le repré­sentant du plus grand Empire : Tu dicis quia Rex sum Ego (Joan. XVIII, 37).

Saint Jean l'appelle expressément Roi des Rois et Seigneur des dominateurs (Apoc.

16). — Et saint Paul, rappelant cette revendica­tion de Jésus devant Pilate, en rapproche son avènement, qui devient7ainsi l'éclatante manifes­tation de la Royautédu Père, Roi des Rois et Seigneur des Dominateurs (I Tim. VI, 13-15). Il y a donc entre le Père et le Fils communication d'une suzeraineté identique. C'est pour cela que les Rois n'ont pas beaucoup tardé, après les

Bergers, à venir l'adorer dans son berceau : les Mages, qui traitent d'égal à égal avec Hérode, sont des Princes ; et leurs offrandes ont à l'adresse de l'Enfant divin un symbolisme royal.

L'Epiphanie n'a d'autre but que de célébrer l'universelle royauté de Jésus reconnue par les Mages ; et sans cesse la Liturgie fait écho à cette solennelle commémoraison en donnant au Seigneur le titre de Roi du Monde. Il me plaît de rapporter ici ces grandes paroles de PORno MISSŒ DE REGE :

Uere Sanctus, uere benedictus Dominus Noster Jhesus Christus, Deus deorum et Dominus dominan­tium, Princeps principum et Imperator regum terre. Cui gentium multitude famulatur, cui regum celsi­tudo prosternitur, et quem celestium et terrestrium creaturarum subiecta conditio Dominum Creato­remque suum cognoscens adorat, magnificat et conlaudat, Christum Dominum ac Redemtorem uerum... (5) n..

Or, c'est bien à cette Suzeraineté du Christ que rend hommage le Sacre Royal.

Il est plus et autre chose qu'une simple attes­tation de l'origine fondamentalement divine de

l'autorité sociale : un gouvernement païen, un pouvoir simplement de fait se rattache toujours en fin de compte à l'autorité divine, en ce sens que l'ordre social auquel il préside ne se conçoit pas sans autorité et l'autorité ne se conçoit pas sans une sanction divine.

Le Sacre ne peut pas ne vouloir dire que cela.

Il est même plus encore qu'un appel de la bénédiction et de l'assistance divines sur la personne royale, appel d'ailleurs réel et certaine­ment efficace quand il est fait par l'Eglise, et qui assure à la personne royale, selon ses dispo­sitions, de véritables grâces d'état, lui donne un titre nouveau à la confiance des peuples.

Non, ce que fait avant tout la Consécration Royale, c'est de rattacher le Pouvoir terrestre à la suzeraineté de Jésus-Christ, laquelle est unique et universelle, — c'est de ranger sous une loi plus sainte et plus parfaite que la religion natu­relle, sous la loi nouvelle de Jésus, cet organe et cette fonction de puissance humaine, dont le monde est le plus violemment jaloux, le pouvoir politique, point de départ et centre de conver­gence de toute l'activité sociale, objet des ambi­tions les plus fières comme les plus basses, —

c'est de e coordonner au gouvernement de Jésus-Christ et de l'imprégner de son esprit.

Mais cet engagement du Pouvoir humain ne se fait pas sans une certaine réciprocité de la part de Dieu. Voici comment. L'onction royale ne crée pas précisément le droit royal ; elle le suppose, à quelque degré ; elle n'est point abso­lument le signe de la légitimité, comme néces­sairement elle l'était dans la théocratie de l'An­cien Testament. Le prince qui la reçoit, occupe déjà le trône, exerce la fonction souveraine. Ce n'est donc pas précisément sur son droit humain que porte la réciprocité divine dans le pacte du Sacre. L'onction ne lui confère, non plus, cela va sans dire, aucun caractère sacramentel, ni aucun droit divin, proprement dit. Le Sacre ne lui vaut-il donc qu'un simple prestige ? Non, il est, à raison surtout de la part qu'y prend l'Eglise, une présomption plausible et un signe que celui qui le reçoit est agréé de Dieu, ne disons pas comme un élu sans défauts, ni avec ratification de tous ses actes passés, ni avec la garantie d'une durée indéfinie, mais du moins comme un agent, un instrument, et, si l'on veut même, un mandataire de sa Providence surnaturelle. Mettons, si l'on y tient, qu'il n'y ait là rien de plus, en subs­tance, qu'un prestige : c'est pourtant un prestige nouveau. Mettons que le Sacre impose plus de devoirs qu'il ne confère de droits : il introduit pourtant réellement le pouvoir humain dans la sphère même où Dieu gouverne les âmes : Ecce unxit te Dominus super hcereditatem suam (I Reg. x, r). C'est une sorte de légitimité morale, qui ne tranche pas absolument la question de la légitimité politique, mais qui supplée, pour aussi longtemps qu'il plaît à Dieu, à ce qui peut lui manquer.

Il dépend précisément de la personne royale d'ajouter à la force de cette présomption, à la certitude et aux chances de durée de cette voca­tion, à l'éclat de ce prestige, par la valeur des dis­positions qui l'animent. Avant tout, qu'il entre sincèrement sous l'allégeance divine, qu'il se soumette et se subordonne à la suzeraineté de jésus-Christ : c'est pour cela que le rituel du Sacre le fait se prosterner longuement sous les invocations de la Litanie. Ensuite, qu'il prenne conscience de la grandeur de son mandat provi­dentiel, qu'il élargisse seg ambitions immensé­ment, et s'il le peut, à l mesure de la gloire

Divine, — qu'il brandisse son glaive en défi à tous les ennemis de la Chrétienté. C'est ainsi qu'il s'assure autant que possible cet agrément du divin et universel Suzerain, dont l'Eglise lui donne déjà un signe dans le Sacre.

Dieu a donc souscrit au pacte du Sacre en agréant le Roi. Hoc tibi signum, quia unxit te Deus in principem (1 Reg. x ). Si, strictement parlant, ce n'est rien de plus qu'un signe, cepen­dant, rien n'empêche un peuple chrétien de reconnaître ce signe avec une vénération fervente qui donnera au titre royal une force équivalente à une véritable élection divine.

Nous voyons la Bienheureuse Jeanne d'Arc agir en conformité avec ces notions. Elle ne dou­tait nullement du droit royal du Dauphin avant de le conduire à Reims, mais elle refusait jusque là de l'appeler roi, parce que sa foi lui faisait estimer très haut le gage d'agrément divin qu'ap­porte le Sacre, parce que c'est de ce pacte réci­proque entre le roi de France et Dieu et -Jésus-Christ que datait pour elle, non pas la légitimité politique de Charles vu à laquelle il ne man­quait rien, mais sa légitimité pour ainsi dire surnaturelle, l'exercice parfait de sa vice-gérance pour la terre de France au nom de Jésus-Christ. A ses yeux, c'est le Sacre qui faisait du Roi, au sens féodal et chrétien, l'homme de Dieu.

Ainsi, le symbolisme de l'onction royale est-il ramené à sa signification véritablement primi­tive, puisque, dominant l'Histoire, le grand consacré c'est Jésus : le parfum qui est versé au plus profond de son être humain, c'est la divinité. Elle le fait, de droit éternel, Prêtre, Prophète et Roi. Toute communication de sa vie et de sa vertu divines sera donc justement marquée par l'onction. L'image de sa prérogative royale sera ainsi reproduite de quelque manière par le Sacre dans les souverains chrétiens. Une glorieuse vassabilité les lie au Christ-Pantocrator, et leur pouvoir devient un des ressorts de son Empire (6). Ils lui inféodent leur puissance, mais c'est pour la voir changée en une lieutenance plus auguste que leur droit humain, puisqu'ils devien­nent coopérateurs du Plan surnaturel. Et c'est l'Eglise qui leur permet de croire à la réalité de cet échange.

En effet, les formules du Rituel pontifical de la Consécration des Rois font expressément foi de

cette relation de l'onction royale avec l'onction divine de Jésus-Christ. L'oraison Deus Dei Filius, après le rite de l'onction, que contient déjà un ORDO du ixe siècle, et qui se trouve, à d'insigni­fiantes variantes près, dans le formulaire très vraisemblablement employé à Reims pour Char­les vit, PORDo vit — demande au Dieu Fils de Dieu, N.-S. Jésus-Christ, « qui a été oint oleo exultationis prœ participibus suis, de répandre lui-même sur la tête du roi et jusqu'au plus profond de son cœur son Esprit Paraclet, afin qu'il soit ainsi rendu capable des Biens Invisibles, et que, son règne temporel rempli selon les justes règles, il règne éternellement avec Celui qui, seul impeccable et Roi des rois, vit avec le Père dans l'unité du Saint-Esprit. » — Cette oraison est la troisième après l'Onction. La première, Christe perunge... dit : Tua sacratissima unctio super caput ejus descendat. — Les insignes royaux devien­nent, dans les formules pour l'imposition de la couronne et la tradition du glaive et du sceptre, les symboles d'une puissance uniquement ins­pirée et guidée par la piété, d'un pouvoir qu'on dirait presque autant spirituel désormais que temporel, en sorte que ses exploits ne sont énumérés que sous la forme d'oeuvres de foi, de justice chrétienne et de miséricorde. L'ORATIO POST CORONAM s'achève ainsi : Tribue ei, quasumus, Domine, divitias gloria tua. Comple in bonis desiderium ejus ; corona eum in miseratione et misericordia, tibique Deo pia devotione jugiter famuletur (7).

Et l'antienne chantée pour la tradition du glaive décrit la force d'âme du roi très-chrétien

en ces termes de l'Ancien Testament, où la valeur du caractère est identifiée avec la fidélité du coeur : Con fortare et esto vir, et observa custodias

Domini Dei tui, ut ambules in vifs ejus, et custodias carimonias ejus, et pracepta ejus, et testimonia et judicia, et quocumque te verteris confirmet te Deus (8).

Le Pontifical actuel, avec une concision toute romaine, rappelle au prince au moment où on le ceint du glaive : Sancti non in gladio sed per fidem vicerunt regna (9).

C'est donc bien l'homme de Dieu et l'homme du Christ qui apparaît, ou doit apparaître, à partir du Sacre, dans le Roi. Il est désormais,

sa manière, une image de l'Oint divin, un Christ temporel. Et les peuples chrétiens reconnaissent

ce reflet du Christ en sa personne. Le LIBER PONTIFICALIS nous raconte que tout le peuple présent au Sacre de Charlemagne chanta des laudes, ou acclamations, dont les manuscrits carolingiens gardent encore le texte, et qui ne se rapportent qu'au seul Roi Jésus-Christ :

Christus vincit, Christus regnat, Christus Imperat

Rex regum — Christus vincit

Rex noster — Christus regnat

Spes nostra — Christus Imperat

Gloria nostra...

Lux, via et vita nostra...

Ipsi soli Imperium, gloria et potes tas per immor­talla scecula cceculorum. Amen.

Ipsi soli virtus, fortitudo, et victoria... Ipsi soli honor, laus et jubilatio per infinita seecula scecu­lorum (ro).

L'Eglise grecque du xe siècle nous fait entendre des laudes impériales presque semblables.

On le voit, le roi terrestre est tellement entré, aux yeux du peuple chrétien, dans la lumière du Roi Divin qu'il y a presque disparu : c'est l'avè­nement du seul Roi Eternel que le peuple acclame dans le Sacre.

Toutefois, si évident que soit le caractère surnaturel, et si plausible aussi la réciprocité, qui distinguent le pacte du Sacre entre l'homme et Dieu, nous n'en avons pas encore assez pré­cisé la portée, si nous ne signalons la part qui revient à l'Eglise dans cet hommage.

J'ai nommé tout à l'heure la Politique divine. Jésus, suzerain de tous les Rois, a nécessaire­ment une politique. Comment le nier, si surtout il a institué, non pas une religion individuelle, mais une société religieuse, une Eglise ! Si l'Eglise est le prolongement du Christ, le corps mystique du Roi Divin, elle a nécessairement part à ses prérogatives suzeraines à l'égard des rois et des peuples. Mais n'est-ce point un malaise très grand qui va résulter pour les peuples du fait de l'existence au milieu d'eux de cette société dis­parate, à prétentions théocratiques ? Le malaise serait bien plus grand, si par impossible Jésus avait négligé de pourvoir son Eglise de droits identiques aux siens. Seuls, des droits vraiment divins peuvent, en pareils cas, être raisonnables. Il a donc fait de son Eglise la vivante économie du salut des peuples comme des individus, qui domine et embrasse l'économie de leurs destinées

temporelles, — si bien que la Providence surna­turelle ne s'exerce désormais et ne se meut que dans le ressort de l'Eglise, et l'histoire de la Politique Divine n'est autre chose que l'histoire de l'Eglise au milieu des peuples et se traduit par elle.

Que si l'on veut connaître plus expressément les règles de cette divine Politique et son protocole, c'est le Droit chrétien, tel que certaines époques du Moyen-Age l'ont, non pas établi, mais reconnu et réalisé, qui nous en livre la notion.

Remarquez-le bien, ce Droit chrétien, qu'on l'admette ou non, découle tout naturellement et nécessairement des caractères essentiels et dis­tinctifs de l'Eglise. Il découle de l'Unité de l'Eglise. L'Unité exclut l'incohérence et même la simple juxtaposition : ainsi, les peuples et les rois qui se réclament de la foi de l'Eglise, ne pourront se montrer indifférents au danger de schisme et d'hérésie, ni se retrancher dans la neutralité officielle.

Le Droit chrétien découle de la Catholicité de l'Eglise. La barrière des nationalités tombera devant la doctrine et la loi catholiques ; les princes ni les parlements ne pourront leur imposer de

passeport ni d'estampille. Les canons de Rome porteront partout.

Le Droit chrétien découle de l'Apostolicité. Les Assemblées ecclésiastiques des Clergés natio­naux ne pourront créer un droit contre les droits apostoliques. Les princes ne pourront s'arroger la moindre part de la jurisdiction qui descend des Apôtres, seront incapables de recevoir ou de donner l'investiture spirituelle.

Il découle enfin de la Sainteté de l'Eglise. La mission de défendre et d'imposer à tous les saintes lois de la Morale évangélique autorise l'Eglise à intervenir dans les affaires publiques. Ratione peccati , c'est-à-dire pour réprimer un scandale qui est l'effet d'une loi ou le fait d'une personne, l'Eglise peut aller jusqu'à délier les sujets d'un pouvoir terrestre de leur serment de fidélité. Tout ce qui intéresse la morale à un degré supérieur, la législation du Sacrement de Mariage, par exemple, et ce qui touche à la perfection de la vie chrétienne organisée dans l'Etat religieux, relèvera du seul contrôle de l'Eglise.

Vous voyez que le droit de déposition et la doctrine des deux Glaives, pris à leur source, n'ont réellement rien de farouche. Le u pouvoir

indirect » de l'Eglise est un corollaire de son existence même. Et s'il fût vrai que les droits spirituels de l'Eglise pussent être contestés à propos de tout, il faudrait dire que, quoique indirect, son pouvoir d'intervention serait alors illimité.

C'est l'impuissance de la raison à saisir ces principes, quels qu'ils soient, qui explique la répugnance de l'esprit moderne à admettre ces vérités, sa lâcheté à les déclarer surannées. Au contraire, le Moyen Age fut assez intelligent pour appuyer d'un argument de raison la distinction des choses de César d'avec les choses de Dieu « le droit divin qui vient de la grâce ne détruit pas le droit humain tel que la raison le définit. »

(S. Th.,              x, Io.) Mais il fut assez intelligent
pour établir la subordination des choses de César aux choses de Dieu sur un axiome fondamental de vie sociale et politique. « L'homme ne relève pas de la communauté politique selon tout son

être ni selon tout son avoir ».      xxx!, art. Iv, 3).

Or, c'est justement ce qui en l'homme échappe à l'Etat, que l'Eglise prend sous sa défense, s'il le faut, contre l'Etat. Il est, au reste, remarquable que dans la mesure où l'Etat méconnaît le droit

d'intervention de l'Eglise, il cesse de respecter le droit réservé de l'individu.

L'idée seule du Sacre, ce baptême du Pouvoir Royal, serait un hommage à la suzeraineté spiri­tuelle de l'Eglise, même si les formules rituelles n'en contenaient pas la reconnaissance explicite. Voyez l'attitude souveraine de l'Eglise. C'est bien une grâce qu'elle accorde au prince. Elle s'assure d'abord qu'il n'est pas indigne : Scias ilium esse dignum et utilem ? Puis, elle déclare qu'elle l'élève jusqu'à une sorte de partage de sa mission sacrée, et elle montre à quelles conditions la couronne sera bénie et le service accepté. Au moment où elle met la couronne sur la tête du roi, elle lui dit : Per hanc te participera ministerii nostri non ignores. Ita ut, sicut nos in interioribus pastores rectoresque intelligimur, ita et tu in exterioribus venus Dei cultor strenuusque contra omnes adver­sitates Ecclesiœ Christi defensor assistas (II). Paroles dont la formule Sta et retine, qui clôt le Sacre, et que Charles vu entendit, condense vigoureusement et précise à merveille le sens : Quatenus mediator Dei et hominum te mediatorem ckri et plebis permanere faciat (1z). Telle est la

position nouvelle du prince vis-à-vis de l'Eglise.

L'ORDO vii termine le serment royal, que Charles vu prononça, par la clause significative et fameuse Item : de terra mea ac jurisdictione mihi subdita universos hcereticos ab Ecclœsia deno­tatos pro viribus bona fide exterminare studebo (13).

Ainsi, participant de quelque manière au Minis­tère ecclésiastique, — défenseur attitré de l'E­glise — médiateur entre les Pasteurs et les fidèles, le prince, en acceptant ces titres, rend-il le plus magnifique hommage à la suzeraineté spirituelle de l'Eglise. Et combien, du même coup, il rehausse sa propre dignité !

J'aimerais insister sur cette participation à la mission de l'Eglise en laquelle le Sacre fait entrer le Roi. Il devient l'Evêque du dehors : c'était la devise que le préfet Probus donnait à Ambroise en l'envoyant à Milan, — devise qui dépasse, hélas ! l'idéal de nos chefs d'état modernes et découragerait les meilleurs d'entre eux. On dirait que l'Eglise voulût en traduire toute la réalité dans l'appareil dont elle entoura la per­sonne du roi, et qui rappelle celui dont elle entoure ses Pontifes. Elle le revêtit d'ornements presque

hiératiques, elle mit sur son épaule l'étole du diacre, lui réserva la vile leçon à chanter dans l'Office de Noël, mêla aux jubilations de l'Exultet le Samedi Saint un appel des complaisances divines sur le « très-dévot Empereur )+, lui fit une place d'honneur dans ses Conciles, laissa même passer dans certains formulaires de Consé­cration royale une prière qui demande pour le prince le don d'enseigner et d'instruire, en même temps que de défendre, l'Eglise et le peu­ple. Bref, elle lui fit aussi effectif que possible le partage de sa mission, lui rendit aussi prochain que possible, si l'on peut dire, l'accès de l'Autel.

L'action intellectuelle et religieuse d'un Char­lemagne et d'un Alfred le Grand, d'un saint Louis de France, suggère l'interprétation qu'il faut donner à ces voeux de la liturgie du Sacre. Il reste pourtant que l'autorité royale est auréolée de la lumière dont resplendit l'Eglise — telles les images impériales dans les mosaïques de Ravenne — et prend une part officielle à la vie d'adoration et de louange, aussi bien qu'aux des­tinées militantes de l'Eglise.

II

Il est temps de vous montrer que la Bienheu­reuse Jeanne d'Arc a été pénétrée de toute la grande idée du sacre, qu'elle a donc été la véri­table messagère de la politique divine. J'ajou­terai qu'en rendant possible le Sacre de Charles vil, elle a continué l'histoire de cette surnaturelle politique parmi nous.

S'il est permis de dire que le duc de Bedford, lorsqu'il préparait le Sacre du jeune roi Henry vi à Paris, en considérait principalement les avan­tages politiques, personne ne prétendrait aujour­d'hui que la pensée de Jeanne d'Arc se portât, je ne dis pas principalement, mais même distinc­tement sur les avantages politiques du Sacre pour Charles vii. Pour elle, le roi de France n'étant que le feudataire du Roi du Ciel, c'est l'autorité du Roi du Ciel qui est en jeu, et son honneur. Sa pensée est très simple, en tant que guidée par le sens chrétien commun à tous les croyants de son époque ; mais sa pensée est aussi, ne l'oublions pas, éclairée de la lumière pro­phétique, et par là elle est, sinon complexe, du

moins complète et profonde, et 'on peut oser en tenter l'analyse.

Or, ce que l'on trouve de remarquable au fond de la pensée de Jeanne d'Arc sur le droit du roi de France, c'est qu'il résulte du caractère prédestiné de son royaume. C'est le royaume, bien plus que la personne royale, qui est marqué de l'apparte­nance divine. Le fief vient avant le feudataire, et, dans l'esprit de Jeanne, le fief de la Providence Divine, le fief de Jésus-Christ, c'est la France. Sans doute. ce qui atteste pour une grande part aux yeux de Jeanne la prédestination chrétienne du beau royaume, c'est que l'huile de la Sainte-Ampoule en a consacré tous les Rois : mais ce signe a été donné pour la France, et le roi est pour le royaume. Je ne m'attarde pas à formuler des conclusions que, de cette remarque certaine, on pourrait tirer même en faveur de la France d'aujourd'hui. Mais elle me sert à vous montrer la précision et la solidité de la conviction de Jeanne d'Arc.1 Vous êtes vray héritier de France D, dit-elle au Dauphin ; et c'est comme si elle ajou­tait : je vous le déclare, moins pour dissiper un affreux doute, moins pour saluer en vous le maître de mon pays, que pour que vous fondiez votre

confiance sur la vocation de la France. — Œ Vous serez le lieutenant du Roi des Cieux qui est roi de France », dit-elle encore ; et cela signifie : avant même d'être sacré à Reims, vous êtes feuda­taire de Dieu en vertu de la prédestination provi­dentielle de la France. (Déposition de Jean Pas­querel).

Dans sa lettre aux bourgeois de Troyes, durant la marche vers Reims, elle leur demande de « faire vraie obéissance au gentil roi de France, qui sera bientôt en ses bonnes villes du saint royaume, en toutes les villes qui doivent être du saint royaume ». Le royaume est donc saint avant que le roi soit consacré.

On voit ainsi les divers éléments qui consti­tuent la conviction de Jeanne d'Arc en matière de droit royal et de subordination de ce droit à celui de Dieu et de son Fils :

Io il ne s'agit ni de la simple sanction natu­relle que tout pouvoir établi reçoit de Dieu, ni des droits politiques de Charles vii ;

20 il s'agit d'une légitimité d'ordre moral, d'une lieutenance providentielle : titre fondé sur l'appartenance du royaume à la Suzeraineté divine, et résultant aussi de la tradition du Sacre ;

30 le Sacre est un signe et une assurance de cette légitimité morale et surnaturelle.

Toute la substance du Droit public chrétien se trouve là.

Jeanne d'Arc en manifeste encore la claire compréhension, lorsqu'aussitôt après le sacre, dans un geste qui rappelle Homère, elle embrasse les genoux du Roi en pleurant et disant : « Or est exécuté le plaisir de Dieu, qui voulait que je fisse lever le siège d'Orléans et vous amenasse en cette cité de Rheims pour recevoir votre digne Sacre, en montrant que vous êtes vrai Roi et celui auquel le royaume de France doit appar­tenir. »

Mais quoi ! il nous reste de Jeanne des paroles plus significatives encore. C'est le principe fonda­mental du Droit chrétien que, en des termes pro­prement juridiques, formule Jeanne dès le début de sa mission, lorsque, en 1429, à Vaucouleurs, elle dit à Baudricourt : « Le royaume n'appar­tient pas au Dauphin, mais à Dieu, et cependant c'est la volonté de Dieu que le Dauphin soit couronné roi et puisse tenir le royaume en com­mende ».

Bénies soient les Voix de Jeanne de l'avoir si

bien instruite ! Jeanne fut si bien imbue de cette doctrine, qu'un jour elle demanda au Dauphin de faire en bonne et due forme l'abandon de son royaume entre les mains de Dieu son suzerain. Quand le Dauphin s'y fut engagé, elle le regarda en disant : Vous êtes le plus pauvre chevalier de votre royaume !

Par le Sacre, le royaume faisait retour au Roi en bonne forme aussi.

Qu'elle laisse donc flotter son étendard avec les deux anges qui présentent un lys à Dieu le Père tenant l'orbe dans la main : c'est un éten­dard parlant et qui proclame la foi lumineuse de Jeanne en la divine suzeraineté.

Présente au sacre avec son étendard, c'est de très près que Jeanne suivit les rites et entendit les formules qui signifiaient au Roi de France le service auquel il s'engageait envers l'Eglise. L'ORDO VII, comme le Pontifical actuel, rappelle au prince son devoir de « montrer la voie à ceux qui errent, tendre la main à ceux qui tombent, et disperser les superbes ». (Formule pour le sceptre). L'hommage à l'Eglise se déroulait dans le Sacre de Reims aussi solennellement

que l'hommage à Dieu. Et, après que vous avez pu juger de l'orthodoxie des pensées de Jeanne, en matière de Droit chrétien, comment imaginer que dans sa foi en la souveraineté de Jésus-Christ elle eût séparé l'Eglise de son chef 1 L'ana­chronisme mis à part, ce serait encore faire men­tir l'âme de Jeanne d'Arc sur un point capital ; et ce serait abolir le trait qui fait précisément d'elle une grande figure de l'histoire. La grande manière, en effet, d'entrer dans l'histoire, ce n'est point d'y faire briller un instant sa propre gloire : c'est d'y apparaître en agent conscient du Plan de Dieu, en loyal instrument de cette Politique surnaturelle qui agit et cherche sa gloire d'après une loi unique : le salut des peuples par l'Eglise. N'est-ce pas ainsi qu'apparaît dans l'histoire Jeanne d'Arc ?

Mais allons plus loin, et, dégageant de la Politique divine une intention plus particulière, montrons que la mission de Jeanne d'Arc s'y rattache et illustre la continuité de la conduite de Dieu.

En effet, si tous les Pouvoirs terrestres sont également subordonnés au Droit divin, cepen­dant Dieu a pu vouloir prélever sur l'un ou

l'autre des peuples chrétiens un tribut spécial de dévouement et de services, et le distinguer entre les autres par une véritable prédilection. Cette intention de la Providence divine, qui semble bien évidente dans l'histoire, appelons-la tout de suite par son nom, c'est l'idée impé­riale, l'Impérialisme divin.

Dans un rêve, qu'inspire dès avant la Renais­sance, un enthousiasme classique on peut dire effréné, Dante représente l'Empire comme une création spéciale, parallèle à l'Église, ne tirant son origine que de Dieu à travers les fabuleux commencements de Rome, et enfin nécessaire la validité de la Rédemption. C'est dans le De Monarchia qu'il exprime ces choses : si Tibère n'avait eu une légitime jurisdiction sur toute l'humanité, l'expiation offerte par le Christ pour toute l'humanité en vertu de la sentence de Tibère, n'eût pas été valide, le péché d'Adam n'ayant pas été légitimement puni dans le Christ. — C'est proprement confondre Tibère et Dieu. ­Gibelin outrancier désormais, Dante consacrera le chant vi de son Paradis à faire conter par Justinien, dont il voyait l'image nimbée, chaque jour, à Saint-Vital de Ravenne, la légende de

l'Empire, où Tibère est glorifié de même sorte, mais où Charlemagne n'est mentionné que comme bienfaiteur occasionnel de l'Eglise. En revanche, aux Chants xIx, 112-148, et XX, 55, les Rois chrétiens et Constantin sont vigoureusement pris à partie, les premiers pour être mis en oppo­sition avec la bonne foi païenne, celui-ci parce qu'il a abandonné l'Occident et donné Rome aux Papes. En sorte que la vision de l'Aigle et les belles pensées sur le salut des Païens et la Prédes­tination qui remplissent ces deux chants, ne semblent plus être qu'un plaidoyer pour la chi­mère impériale de Dante. Absorbé par l'amère dénonciation des abus réels ou possibles du pouvoir temporel entre les mains des Papes, le grand poète n'a pas aperçu, au dessus de ces abus, la vraie suzeraineté de l'Eglise, ni la gran­diose création du saint Empire, qu'il frelate et qu'il paganise.

Et pourtant, en fixant le centre de son Eglise au coeur du plus vaste et du plus puissant Empire, Dieu n'a pas voulu faire oeuvre d'ironie, mais d'harmonie. Dès les temps apostoliques, Dieu semble faire l'essai de l'Empire pour sa gloire : comme la paix d'Auguste avait protégé l'Incarnation, la naissance et l'Épiphanie de son Fils de même, c'est saint Paul qui nous l'assure, l'Em­pire avec ce génie de l'ordre, de la légalité, de la discipline sociale qui fait sa force, sera l'obstacle providentiel à la manifestation anarchique de l'Homme de péché, impatient de se produire contre l'Eglise naissante. C'est là le sens le plus vraisemblable du Qui tenet nunc teneat de la IIe Epître aux Thessaloniciens, II, 7. - Le rôle protecteur de l'Empire devient conscient et public avec Constantin. C'est un essai plus ferme de l'Impérialisme divin. Le même saint Paul (le moins individualiste des Apôtres, dont pour­tant on a voulu faire le docteur du sens privé) semblait avoir eu un pressentiment et un désir de cette nouvelle Paix Romaine, lorsqu'il écrivait cette parole qui pose le fondement métaphysique du Droit chrétien : Qua auteur sunt, a Deo ordi­natœ sunt (Rom. xm, i). Tous les pouvoirs existants sont coordonnés par Dieu. — Puis, les défections doctrinales, l'éloignement des succes­seurs de Constantin, leur impuissance devant les Barbares font cesser le concert, réduisent l'Eglise aux seules ressources de son prestige. Ici, la Politique divine subit son premier échec.

Mais voie des nationalités nouvelles qui se forment en Occident : Dieu, ni l'Eglise ne peuvent s'en désintéresser. Seconde étape de l'Impéria­lisme divin, qui s'ouvre par la conversion de Clovis. Il n'est pas un empereur, — qu'importe le nom 1 — Charlemagne est déjà en Clovis. Charlemagne, c'est bientôt l'apogée de la Poli­tique divine, préparé par l'épiscopat mérovin­gien et par les moines, ce qui est presque tout un, en ce temps-là. Dès lors, voilà les Francs élus pour la mission impériale, tombée en déshé­rence, du moins en Occident, depuis les fils de Constantin. Leur chef ne prend le titre des Em­pereurs que pour en rehausser sa fonction d' Ad­vocatus Ecclesice. L'idée circule ouvertement, car, dans un Missel du ixe siècle, en usage même dans le vile, on lit : Omnipotens sempiterne Deus, qui ad instrumentum divinissimce tuae voluntatis per orbem, et ad gladium et propugnaculum Ecclesice sanctce tua, FRANCORUM IMPERIUM constituisti —, coelesti lumine, quœsumus, filios Francorum sup­plicantes semper et ubique prœveni , ut ea quce agenda sunt ad regnum tuum in hoc mundo effi­ciendum videant, et ad implenda quœ viderint charitate et fortitudine convalescent (14).

Cette merveilleuse oraison, que l'on ne peut lire sans frissonner, faisait écho à la parole même de la Papauté, qui, dès le temps de saint Grégoire, discernait en ces termes la Monarchie Franque : quanto cceteros ho mines regia dignitas antecedit, tanto caterarum gentium regna regni vestri pro­fecto culmen excedit s). Tant il est vrai que le Saint Empire répond à la Sainte Ampoule.

Hélas, les successeurs de Charlemagne ne font guère figure impériale ; et la déposition de Charles-le-Gros (887) qui laisse un moment la couronne impériale suspendue sur la tête de princes italiens, amène la période allemande de l'Empire. Othon-le-Grand couronné en 962, puis saint Henri II, puis quelques autres justi­fient assurément leur titre de protecteurs de l'Eglise. Mais l'espèce de suzeraineté qui en résultait pour eux à l'égard des autres princes chrétiens, devient bientôt un objet d'ambition sans service profitable à l'Eglise, et un titre presque purement honorifique.

Rien d'étonnant donc, si la Politique divine effectue une nouvelle courbe au xIIIe siècle, une courbe rentrante. La couronne impériale ne retourne pas matériellement à la France, mais ici

encore l'insigne et le titre n'importent guère ; c'est manifestement du côté de la France que la Politique divine cherche alors son appui. Vaine­ment, au xe siècle, le roi saxon Adelstan, pris d'émulation pour le prestige impérial de ses parents les Othon d'Allemagne, avait-il assumé le titre impérial, lui aussi, et prétendu le trans­mettre à ses successeurs. C'est le temps où l'ORDo du couronnement des rois saxons fait des em­prunts significatifs à l'ORDo romain. Ces pré­tentions n'avaient guère laissé de trace. Le roi de France, sans avoir la même ambition, devient effectivement, au xIIIe siècle, le chef temporel de la chrétienté. Ce roi est saint Louis. Son gouver­nement est le modèle du pouvoir chrétien ; ses entreprises sont inspirées par la plus surnaturelle chevalerie ; sous son sceptre fleurissent les insti­tutions les plus chères à l'Eglise ; sa capitale est le grand foyer de la science pour l'Europe chrétienne.

En d'autres lieux, sous des rois également saints, la vie religieuse a pu se fondre aussi harmonieusement avec la vie sociale, mais non pas aussi brillamment. Ici, toutes les inspirations et toutes les forces de la foi agissent et se dé­ploient en même temps. Les services de la vie

nationale semblent être des œuvres de piété. Dans l'élan scientifique qui conquiert la pensée grecque, comme les Croisades voulaient recon­quérir l'Orient, et dans la floraison d'art qui réa­lise souvent, particulièrement dans la statuaire, l'union des deux idéals, le classique et le chrétien, on ne peut faire la part du génie de la Foi et du génie de la France, elle est indivise. Jamais il n'y eut tant d'unité dans tant de distinction : car ce siècle de la matière et de la forme applique toutes choses, et d'abord à son droit public et à sa vie, la subordination de ces deux éléments. Si l'on peut, à certains égards, regretter que le xiiiE siècle ait ajouté au pur accent de l'antiquité chré­tienne une note de sensibilité et d'originalité un peu trop humaines, il reste que sa vision de l'Eglise fut sans ombre, et qu'il lui fut passionné­ment loyal comme à la suzeraine du monde. 11 reste que parmi les moments historiques où le droit chrétien a fait loi, où l'Europe a pu s'appeler la Chrétienté, où l'effort de synthèse universelle a été particulièrement joyeux et heureux, le xiiie siècle est l'un des plus grands, et peut-être, à tout prendre, le plus beau. Et ce siècle est celui de saint Louis.

La France est ainsi désignée une troisième fois aux prédilections de l'Eglise. On dirait que, lassée des échecs de son plan impérial, la Politique divine ne veut plus désormais se reposer que sur le génie de cette race si apparentée avec le génie de l'Eglise même.

Quand le caractère chrétien de saint Louis se sera aigri ou affadi dans ses successeurs, la Providence ne se retirera pas de la France. Ce qu'elle n'a pas fait pour le Saint Empire, la Providence divine le fera, au xve siècle, pour la Monarchie Française.

Alors, le signe de la continuité de la prédilec­tion divine pour nous, c'est Jeanne d'Arc qui nous l'apporte.

Témoin et instrument de la Politique divine, comme sainte Clotilde, comme Charlemagne, comme saint Louis, elle nous certifie que le Roi des rois n'abdique pas ses droits de bon plaisir sur nous.

A Charles vil, elle rend expressément témoi­gnage de la continuité de la Politique divine à l'égard de la France. Elle lui dit, à Chinon : e Gentil Dauphin, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Je vous dis que Dieu a pitié de votre

royaume et de votre peuple. Car saint Louis et saint Charlemagne sont à genoux devant lui en faisant prière pour vous... »

A Dunois, quand elle arrive à Orléans « Je vous amène le meilleur secours qui vint jamais chevalier ou à ville, c'est le secours du Roi des Cieux. Il ne vient pas de moi, mais de Dieu même, qui, à la requête de saint Louis et de saint Charlemagne, a eu pitié de la ville d'Orléans. »

Ne dirait-on pas que Jeanne d'Arc a pensé au Saint Empire, et l'a vu réellement continué dans la France chrétienne ?

En tous cas, grâce à elle, nous suivons la ligne sinueuse de l'Impérialisme divin à travers l'His­toire, et nous la voyons aboutir encore une fois de notre côté. Ligne sinueuse, ai-je dit, mais qui, si l'on tient compte de sa direction plus que de la permanence de la couronne dans une même lignée, se simplifie suffisamment. La couronne, après tout, n'est qu'un insigne. Et puis nous ver­rons bientôt ce que dit Jeanne d'Arc de la cou­ronne du Roi de France !

Le dernier Empereur qui fut couronné à Rome, Frédéric III, le fut en 1452, l'année même où le Cardinal d'Estouteville, légat de Nicolas V,

commençait le premier procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc. Un an après, l'Empire de Cons­tantinople sombrait pour jamais. Or, l'oeuvre de Jeanne d'Arc venait d'être couronnée par la reprise de la Normandie aux Anglais.

Tandis que les Empereurs ne devaient plus recevoir le sacre papal, la France de Jeanne d'Arc, retrouvant son intégrité et son unité, avait devant elle bien des occasions de se rencontrer avec la Prédilection divine sur le chemin de l'histoire. Je n'examine pas si, politiquement, elle n'a pas laissé échapper beaucoup d'occasions de ressaisir son rôle de fille aînée de l'Eglise, de maintenir ou de rétablir le bel ordre de la Chrétienté. Peut-être que la grande Idée chrétienne de saint Louis, trop haute même pour les plus grands de ses descendants, est définitivement obscurcie dans l'esprit de la France. Mais son coeur du moins garde toute sa vieille fidélité pour long­temps ; et ni la Providence, ni l'Eglise ne se décourageront de l'aimer. A son tour, le Sauveur lui révèlera et lui donnera son Sacré-Cœur, pour être — ce fut son expresse volonté — l'attribut national de la France. Puis, quand les lys de sa

vieille dynastie seront flétris ou dispersés, Lourdes verra fleurir dans son rocher le Lys très pur qui embaume l'Eternité. Puis, cent autres miracles...

L'empreinte de sa prédestination a passé de sa vie politique dans son âme, mais elle y est res­plendissante et ineffaçable. C'est que la prédi­lection divine lui a conféré plus qu'un droit d'aî­nesse. La prédilection divine, et aussi celle de l'Eglise, là où elle se repose, crée une réalité nouvelle de valeur et de bien ; c'est un amour efficient qui affecte un homme et un peuple au plus profond de lui-même, ne dirige pas seule­ment le cours extérieur de sa destinée, mais gou­verne le ressort profond de cette destinée qui est l'âme, et surtout place ses intérêts et sa vie dans une plus étroite dépendance des intérêts et de la vie de l'Eglise du Christ.

Voilà le vrai privilège de la France, et qui, depuis Jeanne d'Arc, dure encore aujourd'hui.

Cherchez donc au plus intime de l'âme fran­çaise ce qu'il y a de plus inaliénablement propre, d'excellent, d'immortel : toutes ces impulsions catholiques, et d'où viennent à l'Eglise des ressources choisies et intarissables ; cherchez dans le caractère chrétien de la France la passion lucide et la grâce héroïque, et, après ses défaillances, des preuves de son repentir qui font presque bénir ses fautes ; cherchez dans sa foi ce besoin constant du témoignage intégral à la vérité, ce besoin de l'absolu et du martyre ; relevez enfin cet étrange privilège qu'elle a de prendre les de­vants, fût-ce même avec de trop de fougue et de turbulence, dans les grands mouvements qui précipitent l'histoire, — et vous aurez en tout cela, non pas simplement un reflet, mais l'oeuvre et le fruit dans l'âme française de la divine prédilection.

Si l'on m'objecte que cette interprétation de l'Impérialisme divin, dans sa dernière étape, sup­prime le parallélisme magnifique des deux Pou­voirs suprêmes dans la Chrétienté, et que, malgré tout, la Monarchie Chrétienne ne saurait égaler le Saint Empire, je répondrai qu'en effet rien n'est plus grandiose que la coexistence harmo­nieuse du Pape et de l'Empereur, « ces deux moi­tiés de Dieu » dans le monde, que c'est même là un plan trop parfait pour se réaliser longtemps dans l'histoire humaine, et qu'à un pareil échec de la divine Politique les réserves de vitalité chrétienne de l'âme de la France ont fourni le plus beau dédommagement.

O Sainte Jeanne, c'est votre élévation sur les autels qui nous permet de penser et de dire ces choses sans présomption et sans orgueil.

Née sous l'étoile de l'Epiphanie, vous fûtes vous-même l'étoile de la grande épiphanie qui se continue dans le monde ; vous avez amené la Royauté Française à Jésus et à l'Eglise, et re­trempé la vitalité de la Patrie dans l'huile du Sacre, ce vieux ciment de la chrétienté ; vous avez infusé dans le sang de France, ce sang dont vous parliez avec un tel frémissement de pitié, la vertu du baume, de la myrrhe et de l'encens.

O Jeanne, étoile de la marche royale vers Reims, étoile de la vocation de la France, en réapparaissant à la parole de l'Eglise dans notre ciel aujourd'hui, renouvelez ce miracle. Faites que de nos jours encore fleurisse la concorde du Sacerdoce et de la Patrie Française : Sacer­dotii et Imperii concordia in diebus nostris floreat. Amen.


DOMREMY, LA OU TOUT A COMMENCE...

DOMREMY, LA OU TOUT A COMMENCE...

LE NOM DE LA PUCELLE

A ETE AJOUTE A DOMREMY,

VILLAGE NATAL DE JEANNE D'ARC, AU XVIe SIECLE

IL APPARAÎT POUR LA PREMIERE FOIS EN 1578.

 

Le monde entier connaît le nom de cet humble village des bords de la Meuse, en Lorraine, où serait née le 6 janvier 1412¹ Jeanne, la fille de Jacques d'Arc, (Ceffonds (52) et/ou Montier en Der (52) 1380 … 1431), paysan aisé, et d'Ysabelle de Vouthon dite Romée (Vouthon-Bas (55) 1385 … Sandillon (45) 28 novembre 1458).

Surnom qu'elle portait, ainsi que le déclara Jeanne, suggère qu'elle avait accompli un pèlerinage à Rome ou ailleurs.

En 1429, elle fera le pèlerinage du Puy, si l'on interprète en ce sens la déposition d'un témoin du procès en nullité de condamnation.

 

A part Jeanne, la cadette, Jacques et Ysabelle eurent plusieurs enfants : l'aîné Jacquemin (? … avant 1455), Catherine (? … avant 1429) qui épousa Colin, fils de Colin, maire de Greux, Jehan (? … entre 1470-1476) qui fut bailli de Vermandois, et capitaine de Chartres, puis capitaine de Vaucouleurs, Pierre (? … entre 1465-1466) qui devait devenir seigneur de l'Ile-aux-Bœufs, près d'Orléans.

Ces derniers, Jehan et Pierre, ont accompagné leur sœur à l'ost de Charles VII.

 

Sis au pied de la côte, sur la rive gauche de la rivière, le village s'étire le long de la route (N.64) qui suit la Meuse, en fait, le bief d'un ancien moulin qui délimite l'emplacement sur lequel repose un pont de pierre inauguré en 1854, planté face à l'église et à la "maison natale de Jeanne".

 

Jusqu'au milieu du XVIIIe siècle, cette route suivait la rive gauche sur le flanc du coteau couronnée par le Bois Chenu (selon le tracé du chemin de l'actuelle Basilique) et n'escaladait la Meuse qu'au niveau de Coussey.

En 1747, on modifia son tracé : elle traversa la Meuse à Domremy, sur un pont de bois que l'on établit au niveau de l'ancien château des seigneurs du lieu, aujourd'hui détruit, qui se trouvait dans une île de la Meuse, en aval du pont actuel.

 

Après le couronnement, les habitants de Domremy furent exemptés d'impôts par Charles VII, le 31 juillet 1429, au même titre que ceux de Greux, tout proche de Domremy.

Jeanne elle-même disait : "Je suis née à Domremy qui fait un avec Greux²".

C’est la seule demande faite par Jeanne.

Cette exemption s’est maintenue à travers le temps jusqu’au règne de Louis XVI.

 

Déclarée hérétique et relapse, elle fut brûlée vive le 30 mai 1431 à Rouen, Place du Vieux-Marché.

A l'initiative d'Ysabelle, sa mère, l'ouverture du procès de réhabilitation de Jeanne en 1455, aura lieu à Notre-Dame-de-Paris.

 

Afin de commémorer cet évènement, une plaque³ relatant les faits a été apposée sur le pilier sud-est de la croisée, à droite du chœur, tout près de La Vierge à l'Enfant, dite Notre Dame de Paris, et non loin de la statue ciselée en marbre blanc par le sculpteur Charles Desvergnes en 1912 :

JEANNE, ARMEE DE PIED EN CAP, PRIE LES MAINS JOINTES, TOUT EN RETENANT SON ETENDARD SUR SON EPAULE GAUCHE

 

                 


 

 

LE XXII AVRIL MDCCCXCIV

CETTE BANNIÈRE SEMBLABLE

A CELLE DE JEANNE D'ARC

OFFERTE

A L'AIDE D'UNE SOUSCRIPTION POPULAIRE

PAR LE COMITÉ CATHOLIQUE DE PARIS

BÉNITE PAR S.E. LE CARDINAL RICHARD

A ÉTÉ DÉPOSÉE ICI EN SOUVENIR

DE LA FÊTE CÉLÉBRÉE A NOTRE-DAME

POUR L'INTRODUCTION

DE LA CAUSE DE JEANNE D'ARC.

 

A CETTE MÊME PLACE

LE VII NOVEMBRE MCCCCLV

EST VENUE PRIER YSABEAU ROMÉE

MÈRE DE JEANNE D'ARC

TANDIS QU'A SA REQUÊTE

COMMENÇAIT DANS CETTE ÉGLISE

LE PROCÈS DE RÉHABILITATION

DE LA PUCELLE D'ORLÉANS.

 

 

 

Principale source : Mgr Henri Debout - La Bienheureuse Jeanne d'Arc - Tome II - A partir de la page 886.

 

1Vraisemblablement, entre 1410 et 1413.

Quant à la date du 6 janvier 1412, elle figure pour la première fois dans une lettre signée par Perceval de Boulainvilliers au duc de Milan, en date du 21 juin 1429.

A cette époque, les naissances n'étaient pas enregistrées.

C'est seulement entre le 10, et le 15 août 1539, que le roi François 1er signe une ordonnance de 192 articles dans son château de Villers-Cotterêts.

Cette ordonnance très importante institue en premier lieu ce qui deviendra l'état civil en exigeant des curés des paroisses qu'ils procèdent à l'enregistrement par écrit des baptêmes, autrement dit des naissances (des ordonnances ultérieures, à Blois en 1579, et Saint-Germain-en-Laye en 1667, prescriront aussi l'enregistrement des décès et des mariages).

Une innovation dont les généalogistes mesurent pleinement la portée.

L'ordonnance établit par ailleurs que tous les actes légaux et notariés seront désormais rédigés en français. Jusque-là, ils l'étaient en latin, la langue de toutes les personnes instruites de l'époque.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordonnance_de_Villers-Cotter%C3%AAts

 

2Bien que Domremy La Pucelle soit devenue "Ville Johannique" dès le début de la création de cette association, en 1997, il n'en est toujours rien pour "Greux"... qui, comme le disait Jeanne "ne fait qu'un avec Domremy.

C'est d'autant plus regrettable, que cette commune, détient sur les hauteurs du village, le sanctuaire de Notre-Dame de Bermont, lieu ou Jeanne avec sa sœur Catherine, et ses amis du village, aimaient se rendre régulièrement pour aller prier et fleurir la Vierge.

Nous osons espérer que Greux, après Beaulieu Les Fontaines (60), sera la prochaine ville johannique.

 

3Placée à environ 2 mètres de hauteur, il est quasiment impossible de la déchiffrer à cause, d'une part, de la petitesse de la gravure, et d'autre part, elle est noircie par la fumée des cierges du candélabre placé juste en dessous.

 

Notes rassemblées par Chantal Thiébault-Goniche


 

EPISODES LIES A LA REHABILITATION DE JEANNE D'ARC...

 

·  10 NOVEMBRE 1449 - C’est seulement à partir de ce jour, que Charles VII, en pénétrant en vainqueur dans la ville de Rouen, put prendre connaissance de la façon dont Jeanne d’Arc avait été jugée.

Il demanda que la lumière soit faite sur son procès, puisque tous les documents concernant cette affaire étaient en ce lieu déposés.

Une première enquête fut faite sur ordre du roi les 4 et 5 mars 1450 : Les principaux acteurs et témoins furent entendus.

C’est alors que l’Eglise, en tant que responsable du procès de condamnation de Jeanne, qui fut un procès d’hérésie, ordonna une enquête officielle réalisée sur ordre de l’inquisiteur de France, Jean Bréhal, et du légat du Pape Guillaume d’Estouteville, du 2 mai au 22 mai 1452.

Le résumé de l’affaire rédigé par l’inquisiteur de France fut alors soumis à l’examen de théologiens et canonistes français ou étrangers.

·  11 JUIN 1455 - Le pape Calixte III (Canals (Espagne) 31 décembre 1378 …Rome 6 août 1458), tout juste élu, autorise la révision du procès qui s'ouvrira après l’audition d'Ysabelle de Vouthon, la maman de Jeanne, en la cathédrale Notre-Dame de Paris...

Sous l'ordre du pape Calixte III, et après que Charles VII a repris la ville de Rouen en 1449, le second procès de Jeanne d'Arc permettra de casser le premier jugement et de réhabiliter "La Pucelle".

·  7 NOVEMBRE 1455 - A la requête d'Ysabelle, et de ses deux fils ¨Pierre, et Jehan", s'ouvre à Notre-Dame de Paris, le procès de réhabilitation de la Pucelle.

…Seuls les proches parents de Jeanne avaient qualité "pour poursuivre l'injure". C'est pourquoi, Ysabelle et ses deux fils survivants, que le rescrit pontifical du 11 juin 1455, autorise à engager le procès de réhabilitation.

Il désigne également les trois commissaires "chargés de faire prendre en dernier ressort une juste sentence". Jean Juvénal des Ursins, archevêque de Reims, Guillaume Chartier, évêque de Paris, frère du poète Alain, qui a chanté les exploits de Jeanne d'Arc, et Richard Olivier de Longueil, évêque de Coutances.

Le matin du 7 novembre 1455 s'ouvre à Notre Dame de Paris le procès de réhabilitation. Les commissaires pontificaux occupent leur siège à l'entrée de la grande nef. Une vieille paysanne, soutenue par ses fils, s'avance entourée d'un groupe de prélats. Ysabelle Romée se prosterne "avec grands soupirs et gémissements en une plainte lamentable, et lugubre supplication". Elle présente aux commissaires le récit pontifical dont l'inquisiteur dominicain Jean Bréhal, qui l'a accueillie, donne lecture. La foule que l'annonce de cette audience a attirée grossit sans cesse, elle emplit les trois nefs de la cathédrale.

Les plaintes de cette mère implorant que justice soit rendue à la mémoire de sa fille trouvent dans cette assemblée populaire un écho de sympathie et d'émotion dont retentit la Maison de Dieu.

Le procès du procès de condamnation commence…

Général Weygand, de l'Académie française - Bulletin des Amis de Jeanne d'Arc, n°167, p. 18-19.

Paru dans Le Figaro du 14 novembre 1955.

 

·  7 JUILLET 1456 - A Rouen, séance solennelle d'annulation du procès de condamnation.

·  8 MAI 1869 - A Orléans, au cours de la commémoration de la libération de la ville par Jeanne d'Arc, Mgr Dupanloup (St-Félix (74) 3 janvier 1802 …La Combe-de-Lancey (38) 11 octobre 1878) évêque d'Orléans, avait convoqué tous les évêques des diocèses que Jeanne honora de son passage : le thème de son discours était la sainteté de l'héroïne dévoilée par sa vie entière.

Les fêtes terminées, tous les prélats signèrent une adresse demandant au pape Pie IX (Senigallia (Italie), 13 mai 1792 …Vatican 7 février 1878) d'accorder à "Jeanne d'Arc les honneurs que l'Eglise décerne aux Bienheureux".

Ce fut la première démarche officielle : Dorénavant, il appartenait à Mgr Dupanloup d'ouvrir le procès dans son diocèse, ce qu'il fit en 1874 en constituant un tribunal présidé par un Sulpicien éminent, Louis Branchereau (1819 …1913), et en porta le travail à Rome, en 1876.

Mais, sur ces entrefaites, Mgr Dupanloup décède ; ce fut son successeur, Mgr Coullié (Paris 15 mars 1829 …Lyon 12 septembre 1912), qui fut appelé à continuer son œuvre, et à fournir à Rome les renseignements demandés.

La séance tenue par les cardinaux des Rites, où l'on décida de soumettre à la signature du Souverain Pontife la Commission d'introduction de la cause, eut lieu en janvier 1894.

·  27 JANVIER 1894 - Léon XIII (Carpineto Romano (Italie) 2 mars 1810 …Rome 20 juillet 1903), déclare Jeanne d'Arc vénérable.

·  18 AVRIL 1909 - Béatification de Jeanne d'Arc, proclamée à St-Pierre de Rome par le pape Pie X (Riese, (Italie) 2 juin 1835 …Rome 20 août 1914) devant 40.000 pèlerins français.

·  19 AVRIL 1909 - Audience des pèlerins français à St-Pierre de Rome. Pie X donne sa bénédiction.

·  23 FEVRIER 1910 - Grâce à l'intervention de Mgr Touchet (Soliers (14) 13 novembre 1848 …Orléans 29 septembre 1926), la demande de procès en canonisation est agréée par le pape Pie X.

·  18 MARS 1919 - Son successeur, le pape Benoît XV (Pegli (Italie) 21 novembre 1854 …Rome 22 janvier 1922) reconnaît définitivement, la validité des miracles.

·  9 MAI 1920 – Canonisation de Jeanne d'Arc proclamée en cour de Rome, par le pape Benoît XV.

L'hérétique et relapse de 1431 est enfin reconnue sainte aux yeux de la chrétienté devant 40 cardinaux, 300 évêques, et une foule innombrable de pèlerins français.

Ainsi se termina le procès canonique (2 novembre 1874 au 9 mai 1920) après 45 années d’examens, de réflexion, de pauses et de reprises...

Voire 51 ans, si l'on tient compte de la démarche entreprise par Mgr Dupanloup, le 8 mai 1869 à Orléans, comme évoqué supra...

 

Pour info : On peut lire dans le livre de Robert Ambelain, "Drames et Secrets de l'Histoire, 1306-1643" - Editions R. Laffont, 1981 : La sanctification de Jeanne d'Arc en Cour de Rome, proclamée le 9 mai 1920 par le pape Benoît XV, coûta au gouvernement français la somme coquette de trente millions de francs-or, coût des frais de procédure... [sic]

A ce sujet, nous sommes toujours dans l'attente d'une réponse du Vatican.

 

·  16 MAI 1920 - Cérémonie de canonisation de Jeanne d'Arc proclamée en cours de Rome par Benoît XV.

·  10 JUILLET 1920 - Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté à l'unanimité que la République française célèbre annuellement, TOUS LES 2e DIMANCHE DE MAI, LA FETE NATIONALE DE JEANNE D'ARC...  en rapport avec l'anniversaire de la délivrance d'Orléans :

 

Extrait du Journal officiel de la République Française du 14 juillet 1920

LOI instituant une fête nationale de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme.

 

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté.

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

 

Art. 1- La République française célèbre annuellement la fête de Jeanne d'Arc, fête du patriotisme.

 

Art. 2- Cette fête a lieu le deuxième dimanche de mai, jour anniversaire de la délivrance d'Orléans.

 

Art. 3- Il sera élevé en l'honneur de Jeanne d'Arc, sur la place de Rouen, où elle a été brûlée vive, un monument avec cette inscription :

 

A Jeanne d'Arc

LE PEUPLE FRANÇAIS RECONNAISSANT

________________________________

 

La présente loi délibérée et adoptée par le Sénat, et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi d'Etat.

 

Fait à Rambouillet, le 10 juillet 1920.

                                            P. DESCHANEL.

 

Par le Président de la République française :

Le ministre de l'intérieur

                                                                         T. STEEG.

 

Le garde des sceaux, ministre de la justice, président du conseil par intérim,

                                                                  LHOPITEAU.

 


 

·  30 MAI - Fête religieuse officielle de Ste-Jeanne d'Arc, jour anniversaire de son martyre à Rouen en 1431.

Depuis 1970, l’épiscopat a supprimé la solennité religieuse de Ste Jeanne d’Arc le jour de sa fête légale.

Cependant, depuis 1953, l’Association Universelle des Amis de Jeanne d’Arc a toujours fait suivre l’hommage civil de la place des Pyramides à Paris, par une célébration religieuse (http://www.amis-jeanne-darc.org/).

·  8 MAI 1921 - Première fête nationale de Jeanne d'Arc.

·  2 MARS 1922 - Notre-Dame de l’Assomption est proclamée par Sa Sainteté le pape Pie XI patronne principale de la France, et Ste Jeanne d’Arc, patronne secondaire avec Ste Thérèse de Lisieux.

Quant à St Michel, il est "Protecteur de la France".

A ce propos, le pape Pie XI déclare :

Nous donnons notre accord aux vœux des évêques, du clergé et du peuple des diocèses et des missions de toute la France. Nous instituons… cette célèbre Pucelle d'Orléans que tous les citoyens catholiques regardent avec une particulière admiration et vénération comme une héroïne de la religion et de la patrie, Ste-Jeanne d'Arc comme patronne secondaire de la France…

…Voici ce que nous accordons, décidant que les présentes lettres demeurent et soient toujours gardées… qu'elles soient un soutien pour la nation française ; que soit déclaré nul et non avenu ce qu'une personne de quelque autorité qu'elle soit pourrait rejeter ou ignorer…!

V

JADIS, LA MESSE ANNIVERSAIRE DE STE-JEANNE-D'ARC SE CELEBRAIT EN ORNEMENTS BLANCS, PROPRES AUX VIERGES, ET NON EN ORNEMENTS ROUGES, PARTICULIERS AUX MARTYRS.

 

En vérité, Jeanne d'Arc est bien une Sainte, mais une Sainte pas tout à fait comme les autres, car pour elle la route du ciel passe par le champ de bataille. Elle est donc à la fois sainte et héroïque.

Cardinal Xavier-Marie Touchet, évêque d'Orléans.

 

La seconde moitié du 19e siècle a vu la nation toute entière revenir à la Pucelle.

Dans chacun des lieux où elle a passé, on prend à tâche de lui élever des monuments ; son nom est donné aux rues et aux places publiques ; elle est représentée dans les cortèges ; nombre de livres, de médailles, de gravures, de statuettes, d'objets d'art rappellent son glorieux souvenir.

 

Notes rassemblées par Chantal Thiébault-Goniche