Le livre La relance de la Tradition, par Massimo Alberti présenté à Radio Courtoisie

Disponible sur commande en librairie (éditions Apopsix) et sur Amazon :

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Version Kindle :

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Comment est-il né ce livre ?

Ce livre est né à partir de recherches que j’ai faites pour une conférence au Cercle de l’Aréopage, qui organise des dîners-débats à Paris, annoncés sur son site Internet (www.cercleareopage.jimdo.com).

J’ai voulu donner une synthèse accessible de la pensée italienne sur le sujet de la Tradition, en m’appuyant sur des auteurs réputés comme Amerio, De Mattei, Casini e autres.

Je précise que les miens sont des sujets de réflexion et que c’est l’autorité de l’église qui doit trancher sur ces questions.

 

En quoi se différencie ce livre par rapport à d’autres ouvrages sur la Tradition ?

Sans m’arrêter sur des arguments déjà bien connus par les tradis, j’ai essayé d’apporter des contributions nouvelles, basées sur des recherches soignées et solidement argumentées.

Je pense qu’il est important, pour être missionnaires de la Tradition dans une Europe déchristianisée, d’approfondir nos arguments et de les ancrer à des aspects observables par tout le monde, de façon à proposer un message crédible et compréhensible.

En fait, on peut constater que les arguments contre la Tradition manquent souvent de profondeur, de logique et de cohérence. Je crois qu’aimer la Tradition signifie aussi être ancrés à la réalité, accueillir le réel.

 

Pouvez-vous me donner un aperçu des sujets traités dans le livre ?

J’essaye d’abord de démontrer la fausseté du mythe d'un progrès linéaire de l'humanité, qui a encore une grande emprise sur les esprits.

On est conditionnés à penser que la Tradition est quelque chose de presque exotique, que nous avons laissée derrière nous ; sa relance ne serait qu'une tentative futile de s'opposer aux conquêtes de la modernité et de remettre en arrière les aiguilles de l'horloge de l'histoire.

Cependant, avec un regard attentif, nous pouvons discerner l'alternance cyclique de deux civilisations : l'une basée sur le commentaire d'un texte sacré, et l'autre dépourvue de tout texte, fondée sur le culte de la critique.

Les cycles sont millénaires. Après la décadence de l'époque hellénique, la victoire sociale du christianisme rétablit une civilisation du commentaire. Après mille ans, avec la Renaissance et la Révolution Française, l'histoire tourne à nouveau dans le sens contraire.

Aujourd’hui, la condition du monde rassemble à celle de la civilisation déclinante du quatrième siècle : la dissolution de la société, le divorce, l'avortement, le gigantisme de l'administration, avec en plus la suprématie de la technique ayant amené la vie humaine à une artificialité généralisée, qui est en train de supplanter tous les processus naturels à partir de la procréation.

 

Quels sont à votre avis les changements le plus importants dans l’église de ces décennies ?

On note d’abord une prééminence donnée au Saint Esprit, qui semble comporter une dévaluation implicite du Verbe : on proclame l’avènement prochain de la civilisation de l'amour, qui aura pour conséquence l'annulation de la loi dans l'amour. On arrive à opposer l'esprit à la loi, qu'on voudrait typique d'une humanité dépassée et contraire à l'esprit de l'Évangile. La prééminence de l'amour sur la loi est à la base de l'attaque portée dans l'Église contre la loi naturelle, qui est le fondement de la vie morale. À une loi immuable il a été substitué une morale de situation et de gradation, et la notion de salut individuel a été absorbée dans celle de salut communautaire.

On constate aussi un enthousiasme imprudent envers le progrès technique, comme si la domination de la réalité mondaine était la tâche du genre humain.

Saint Pie X avait reconnu que l'esprit de l'homme moderne est l'esprit d'indépendance, qui se dédie complètement à la création et tend à sa propre divinisation. C'est le phénomène du « christianisme secondaire », qui date du XIXe siècle et essaye de réduire la religion à un fait purement terrestre, à un moyen de civilisation.

Il y a une urgence de s'adapter à la pensée moderne, qui conçoit la réalité comme une pure historicité. La vérité est conçue comme un produit social : il n'y a pas de principes ni de valeurs qui transcendent l'histoire, tout naît de la conscience collective. La conscience humaine n'est plus soumise à aucune règle et devient créatrice et autorégulatrice.

Au même temps on note un phénomène apparemment contraire, qu’on pourrait définir l’archéologisme de la foi : récemment s'est manifestée une urgence arbitraire de récupérer le Kérygme, la foi de l'Église des origines, qu'on présume effacée par deux millénaires de latinité. On prétend par exemple que la simplicité et la pauvreté de la liturgie auraient été falsifiées par le grégorien, le latin et le faste sacré.

Par conséquent, les chants et les peintures sont refaits à l'échelle de l'enfance, symbole de l'humanité nouvelle sans histoire ; on bâtit des églises qui rappellent des tentes ; tout doit rappeler l'architecture industrielle, point de coïncidence entre le primitif et le fonctionnel. En fait, cette dérive archaïsante a un but catégorique : se jeter sur la Tradition.

 

Que pensez-vous de l’oecumenisme ?

L’oecumenisme traditionnel, qui postule le retour des non catholiques à l’église, est sans doute positif et à encourager.

Toutefois, selon l’idée actuelle d’œcuménisme, toute religion serait porteuse de vérité. Le christianisme ne serait que l'une des formes historiques dans lesquelles se réaliserait la religion naturelle universelle. Le nouvel œcuménisme passe de la sphère religieuse à la sphère de la citoyenneté, et confond l'unité des religions avec la Babel humanitaire.

En fait, la religion catholique n'est pas le résultat de la pensée naturelle des nations, mais a une base surnaturelle qui ne peut pas venir de la nature humaine.

Il n'est pas possible de concilier l'idée de pluralisme, typique de la politique moderne, avec celle de vérité dogmatique, comme si l'Église était une communauté administrative.

Le nouvel œcuménisme croit pouvoir atteindre l'unité des chrétiens par le biais de méthodes pragmatiques de négociation : l'union devrait être atteinte non pas à travers des conversions individuelles, mais suite à l'accord de grands corps collectifs, les églises.C'est une conception typique des esprits pratiques et non pas des hommes de foi.

Il y a à cet égard un précédent historique intéressant, celui du décret d’Aulu-Gelle. Aulu-Gelle, était un proconsul en Grèce, qui croyait possible de faire cesser les controverses des philosophes en les convoquant à un concile : il pensait pouvoir mettre de l'ordre dans les idées comme il le faisait dans l'administration.

En réalité, on ne peut pas manier les idées comme les affaires, et toute discussion théologique qui fait abstraction de la logique ne peut que conduire à des unions purement nominales.

On prêche d'atteindre l'union par le biais de la conversion personnelle des croyants, appelés à approfondir leur propre foi, mais au même temps on la remet à la décision d'une élite de théologiens sans la participation des fidèles.

Les conséquences de ce pluralisme sont importantes : d’abord la cessation des retours à l'Église catholique, qui ont baissé considérablement, mais aussi les missions rendu vaines : si les nations ont dans leur propre religiosité la vérité qui sauve, l'action missionnaire ne devient qu'alphabétisation, hydraulique, agronomie, c'est-à-dire la civilisation et non pas la religion.

Selon la vision humanitaire prédominante aujourd'hui, il existerait seulement des besogneux et non pas des pécheurs, et il suffirait de leur donner de la nourriture pour obtenir d'eux la vertu.

 

Pensez-vous que la catéchèse actuelle nie les dogmes ?

Au lieu d'une négation ouverte, on utilise contre le dogme l'arme de l'oubli : on pose l'accent sur certains aspects de la doctrine pour en laisser d'autres dans l'ombre. Le péché est aboli au nom de de l'esprit de liberté et d'amour ; le dogme de l'infaillibilité du Pape est couvert par la vérité du magistère collégial des évêques ; les vérités révélées par la recherche dialogale.

Il semble de discerner une dérive vers une tribalisation égalitariste des chrétiens, qui pourra être atteinte seulement après avoir éclipsé l'aspect hiérarchique, juridique et philosophique de l'Église, de l'Écriture et de la Tradition apostolique, comme définies dogmatiquement par le Magistère.

 

Quelles sont vos opinions sur la liturgie ?

L'esprit du Concile était en faveur du pluralisme, ce qui entraîna d'abord l'abandon de l'unité de la langue latine, qui était la langue propre de l'Église. Cette réforme contredit les textes conciliaires mêmes, ainsi que la Veterum Sapientia de Jean XXIII et la lettre apostolique Sacrificium Laudis de Paul VI.

On assiste à une fragmentation, une nationalisation et même à une individualisation de la liturgie : les rites changent de diocèse en diocèse, dans la langue et même dans les gestes, selon le principe de l'expressivité nationale.

Comme l’affirme Romano Amerio, cette perte de l’unité cultuelle pourrait favoriser la naissance d’églises nationales, toujours souhaitées par les ennemis de l'Église, conscients que division et destruction ne seraient pour elle qu'une seule chose.

En outre, lL'abandon du latin trahit un manque d'estime envers les fidèles, considérés comme grossiers et indignes d'être élevés à la perception de valeurs excellentes, même poétiques, et capables seulement de comprendre ces valeurs dans une forme dégradée.

a nouvelle liturgie n'exprime pas le mystère transcendant mais les sentiments avec lesquels les fidèles le perçoivent. Son essence est le mobilisme des sentiments humains qui font pression pour s'exprimer et imprimer à la liturgie les différentes mentalités et habitudes des gens.

Dans les nouvelles liturgies créatives, on échange la vie pour la vivacité, les mouvements et la variation, tandis que vivre est d'abord durer dans l'identité, rester le même dans le temps.

Une autre motivation fréquemment apportée pour la nécessité de la réforme est la référence à la pauvreté. Cependant, Saint François même, qui recommandait la pauvreté absolue à ses frères, voulait que les cérémonies s’illuminassent de splendeur.

En fait ce paupérisme, qui rejette la beauté du culte et qui consiste en une accolade purement humaine avec le monde, pourrait être le premier pas vers une Église qui se veut purement spirituelle, ou plutôt purement émotionnelle, et qui rejette toute structure institutionnelle.

 

Que pensez-vous de l’unité de l’église dans le futur ?

Un aspect important de cette période est la désunion dans l'Église, visible dans la désunion des évêques entre eux et avec le Pape. Ce qui la produit est le désistement de l'autorité : on dénonce les erreurs mais souvent on ne les condamne pas. On l’a vu, par exemple, avec la pratique de recevoir la communion dans la main : elle a été introduite abusivement en France et puis étendue à toute l'Église.

L'incertitude de la loi provoque d’abord des cas de pouvoir discrétionnaire, et après un véritable désir d'indépendance. À tout affaiblissement de l'autorité correspond toujours l'émergence de l'arbitraire et de l'anarchie.

Une autre cause de l'affaiblissement du lien de l'unité c’est le régime collégial. La collégialité ne tient pas en compte le principe le plus important de tout l'art politique, qui demande une autorité d’autant plus forte que le nombre des sujets est importantet que le complexe à gouverner est différencié, comme le déclara Paul VI même en 1964.

Cette démocratisation est en contradiction avec la constitution divine de l'Église. L'Église n'est pas une communauté civile qui se donne son propre gouvernement : elle est fondée sur l'autorité du Christ, qui vient avant la communauté.

Les résultats de cette situation sont les nombreuses sécessions, des Églises roumaine, ruthène et chinoise ; sécessions toutes motivées par le refus de l'autorité centrale et par le propos fallacieux de garder la dogmatique et l'éthique catholique tout en devenant indépendants de cette autorité, de garder l'unité après avoir rejeté le principe de l'unité.

La fragmentation qui règne désormais dans les milieux ecclésiaux même traditionnels ne doit pas donc étonner : « ils ont frappé le Pasteur et le troupeau s'est dispersé » (Zr. 13, 7). On se rend compte de la nécessité du centralisme romain sans lequel des forces désintégratrices tendent à émerger.

 

Quel est selon vous le futur de l’église ?

Une conjecture possible sur le futur de l'Église est celle exprimée par Paul VI : l'Église continuera à s'ouvrir et à se conformer au monde, c'est-à-dire à se dénaturer, mais sa substance surnaturelle sera préservée et sa fin surnaturelle continuera à être poursuivie fidèlement par un petit reste du troupeau de Dieu. Il y aura une expansion trompeuse de l'Église qui continuera à se diluer dans le monde, à laquelle correspondra une contraction progressive d'une petite minorité qui semblera insignifiante et en déclin, mais qui contiendra le témoignage indéfectible de la foi

Quelle est la tâche des tradis face à cette situation ?

La tâche devant nous est de reconstruire le sens commun de la Tradition jour après jour, de façon à lui redonner de la splendeur.

Le problème n'est pas tant d'affirmer la vérité ou de condamner les erreurs sur le plan théorique, mais de faire en sorte que dans les corps de l'Église la vérité se répande de façon capillaire. On peut reconstruire la Tradition avant tout avec une œuvre catéchétique sur l'exemple de Saint Pie X, pour diffuser la foi aux plus humbles, en commençant par les enfants.

La réflexion théologique et doctrinale sera longue et le travail devra être patient. La religion catholique n'a pas une dimension purement humaine, et pour cette raison elle enseigne que les blessures de l'Église se guérissent en nous soignant nous-mêmes: pour convertir un monde qui n'adore pas, il faut des personnes qui adorent ; pour corriger un monde impénitent, il faut des personnes qui fassent pénitence ; pour parler à un monde qui n'obéisse pas, il faut des personnes qui obéissent.

La Contre-Réforme l’a démontré : les ordres religieux qui se sont faits instruments de la renaissance, des Capucins aux Barnabites, sont issus tous de chrétiens conscients qui n'auraient rien changé s'ils s'étaient limités à prêcher la vérité sans d'abord l'avoir pratiquée dans la charité et l'ascèse.

Si les hommes connaissaient la puissance de leur âme quand elle est en montée constante vers Dieu, les vicissitudes du monde cesseraient même de les irriter.

On entend souvent objecter que la Tradition a été reléguée dans le domaine individuel et n'a plus une force communautaire. Mais la Tradition même garantit qu'à chacun est donné ce qui lui sert pour atteindre le niveau de perfection qui lui convient, et le malaise pour le manque de moyens spirituels communautaires équivaut à la présence de ces mêmes moyens.

L'action divine même emmène à faire toucher le fond du mal pour remonter au sommet du bien : la Tradition, bien qu’elle soit opprimée depuis la fin du XVIIIe siècle, survit d'une façon clairement miraculeuse, qui devrait prouver sa nature intangible dans les vicissitudes de l’histoire.